La bataille pour influencer les abstentionnistes est engagée au Sénégal

Publié le par Teranga Senegal

Image-065.jpg        La bataille pour influencer les abstentionnistes est engagée au Sénégal

Tout n’est pas joué en faveur du candidat Macky Sall au second tour de l’élection présidentielle au Sénégal.

Plusieurs points méritent d’être analysés pour comprendre l’incertitude qui entoure ce second tour :

Peut-on être sûrs que quelques-uns des candidats malheureux ne cherchent pas à tirer profit, de leurs positions stratégiques parce que leurs soutiens sont indispensables pour permettre au candidat Macky Sall d’atteindre la majorité présidentielle ? Certains d’entre eux ont-ils intérêt à ce que le candidat de l’opposition qualifié pour le second tour en occurrence Macky Sall s’installe au Palais ?

Le candidat Macky Sall était le directeur de campagne du candidat Abdoulaye  Wade à l’élection présidentielle de 2007. Cette campagne n’a pas été que des échanges d’amabilités entre l’équipe de campagne du candidat Wade et l’opposition d’alors. Ensuite, Macky Sall était celui qui a remplacé Idrissa Seck comme Premier Ministre, avant que n’éclatent entre les deux hommes les affaires du chantier de Thiès (corruption) et des fonds Taïwanais (détournement).

On peut alors se demander  légitimement si Macky Sall n’est-il pas co-gestionnaire ou co-responsable du bilan de Wade ?

Par ailleurs, Macky Sall ne va-t-il pas mettre définitivement la carrière politique de certains opposants en berne ?

Enfin, les relations entre les candidats malheureux du premier tour et le candidat Macky Sall qualifié pour le second tour, nous donnent-elles pas envie de paraphraser Serge Gainsbourg «je vous aime, nous non plus ».

Il s’ajoute un autre élément, en effet pendant que les autres candidats manifestaient contre la candidature de Wade à la place de l’obélisque, Macky Sall faisait sa campagne électorale.

Personne ne peut savoir pour l’instant, quel sera l’impact de ces appréciations sur le report de voix des électeurs ayant votés pour les candidats malheureux du premier tour sur le candidat Macky Sall.

Cependant, Macky Sall est le seul avoir toujours compris que la candidature unique de la coalition Benno Siggil Sénégal (unité) ne pouvait pas se réaliser.

De plus, dès la création de son parti l’APR (Alliance Pour la République), il s’est engagé dans une campagne d’explications dans tous les coins et recoins du Sénégal, pendant que les autres notamment alliance Benno (unité) cherchaient une candidature unique impossible. Il s’est muni de son bâton de pèlerin pour sillonner le monde à la rencontre des Sénégalais de la diaspora par un travail de terrain pour la conquête du pouvoir.

 

Il faut lui reconnaitre cette proximité qu’il a créée avec les Sénégalais et ainsi que son statut d’ancien Premier Ministre qui lui a procuré la stature nécessaire pour s’imposer comme le leader de l’opposition. Sa qualification au second tour dégage une lueur d’ambiance et d’enthousiasme pour le changement au Sénégal.

On ne peut ignorer l’existence de cette crainte, en cas d’élection de Macky Sall, que ce changement ne soit qu’un simple renouvellement d’équipe, même s’il inspire confiance, du fait de l’excès dans tous les domaines du pouvoir en place

Cependant, il est important de savoir quel serait le comportement des abstentionnistes : autrement dit, en faveur de quel candidat les abstentionnistes vont-ils se mobiliser ?

La bataille pour influencer les abstentionnistes est engagée par les deux camps, car ils représentent une réserve importante, pouvant faire basculer les résultats du second tour en faveur de l’un ou de l’autre.

L’abstention est passée de 29,38% au premier tour de l’élection présidentielle de 2007 (scrutin unique) à 48,42% en 2012. Cela prouve que les violences ont eu pour conséquence l’augmentation très élevé du taux d’abstention.

Il est à noter que le premier tour des élections présidentielles s’est déroulé dans de bonnes conditions selon les observateurs nationaux et internationaux. Cela suffirait-t-il  à mobiliser au second tour ceux qui craignaient des violences et à faire changer d’avis ceux qui contestaient la participation de Wade à l’élection présidentielle de 2012 ?

Les contestations violentes liées à la candidature de Wade ont dissuadé certains électeurs à se rendre aux urnes le 26 février 2012.

En revanche, d’autres ne s’y sont pas rendus parce qu’ils estimaient que la candidature de Wade était illégale donc participer à cette élection reviendrait à reconnaitre le caractère légal de sa candidature.

Leur abstentionnisme est l’expression d’un refus de choisir dans les conditions, telles qu’elles se présentaient à eux d’une part, et d’une impossibilité d’exprimer de manière adéquate leur préférence au second tour d’autre part.

Nous savons que le vote utile est caractérisé par un vote conditionné du fait que l’électeur est obligé de choisir un des deux candidats arrivé en tête au premier tour (duel).   Mais personne ne peut savoir avec certitude quel serait le comportement des abstentionnistes du premier tour. Vont-ils persister dans leurs abstentions ou se mobiliser pour amplifier la sanction contre le pourvoir de Wade ou au contraire le confirmer grâce au Ndiguëul (consigne de vote religieux). En conséquence, nous ne pourrons plus réfuter  la théorie de la baïonnette intelligente.

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Nous avons l’impression que les Sénégalais sont prisonniers des consignes de vote des partis qui se trouvent être le prolongement logique des alliances contre nature entre partis. Mais le respect des consignes de vote est diversement accueilli par certains électeurs ou militants des partis éliminés au premier tour. Pour les uns ils trouvent naturel de se reporter sur la candidature de la personnalité qui semble être la plus proche de leur sensibilité politique ou sur le candidat de la coalition de l’opposition sans que ces derniers partagent sa sensibilité politique.

Par contre, les autres se fondent sur des précédentes alliances ou coalitions pour refuser de se reporter au second tour et choisissent de s’abstenir ou de voter le contraire des consignes; par là même être libre de leurs choix.

Le M23 a apporté une véritable révolution citoyenne au Sénégal. Y EN A MARRE et la RADDHO (Rencontre Africaine pour la Défense des Droit de l’Homme) ont fait un travail remarquable pour la défense de la République, d’un Etat de droit et de la démocratie.

Pour autant, le M23 ne peut et ne doit se substituer aux partis politiques, mais ce mouvement citoyen doit exiger que l’Etat de droit soit respecté dans tous ses aspects. Cette exigence doit naturellement concerner, indistinctement : les rapports entre les citoyens, le bon fonctionnement de l’Etat, des partis politiques, des associations, des syndicats, des comités de soutien bref toutes les structures d’encadrement.

Il est utile de rappeler que le M23 n’est pas un mouvement politique ni une coalition de partis. Leurs leaders ne sont pas candidats à l’élection présidentielle non plus. Les partis politiques ont profité de la détermination de  Y EN A MARRE et de laRADDHO pour se greffer sur ce mouvement par opportunité.

Le danger est de considérer le M23 comme un parti politique et de vouloir négocier une quelconque élection. En revanche, rien n’interdit à Macky Sall de rencontrer les leaders du M23 pour recueillir leur sentiment, leur demande comme n’importe quelle structure d’encadrement. Négocier avec l’APR de Macky Sall la façon de conduire les affaires de l’Etat ne doit en aucun cas être la règle si le peuple décidait de lui confier le pouvoir au soir du 25 mars 2012. Contrairement à la RADDHO, y en marre peut se transformer en parti politique, car rien ne l’en empêche, en revanche, leurs missions et leurs objets changeront du fait que nous sommes dans une démocratie représentative et non populaire.

Le M23 en tant que force sociale contraint par le pouvoir politique à cause du tripa touage de la constitution (l’adoption avortée de la réforme constitutionnelle du 23 juin 2011 relative au ticket présidentiel) de se situer par rapport aux objectifs bruyamment affichés et justifiés, en s’imposant comme un interlocuteur aux différents acteurs du jeu institutionnel.

 L’activisme du M23 appelle des réserves. Un électeur mature, est celui qui est dégagé de toute solidarité préfabriquée, moins captif des mots d’ordre des partis ou d’une structure d’encadrement d’une part, et également dégagé des contraintes lui empêchant la capacité de reconnaitre par lui-même ses propres intérêts.

Le M23 est une des expressions ponctuelles d’un mécontentement lié au ticket présidentiel, à l’irrecevabilité de la candidature de Wade, aux coupures d’électricité et de corruption d’une manière particulièrement spectaculaire. Si, en revanche, le changement de stratégie du M23 durait, cela signera la mutation du mouvement en un véritable parti politique.

Les abstentions créent une autre incertitude dans cette élection mais aussi le N’diguëul (consigne de vote). Ce qu’il faut retenir, c’est que Les fidèles non-inscrits sur les listes électorales ne pourront pas s’en glorifier, car pour voter il faut être inscrit sur les listes électorales.

Le candidat Abdoulaye Wade fidèle à sa stratégie des années 60 que les électeurs sans forcément partager les mêmes convictions d’un candidat peuvent néanmoins le soutenir grâce aux Ndiguëul.

 « Les chefs religieux sont des agents de légitimation du pouvoir temporel. Ils véhiculent l’obligation de soumission des gouvernés aux gouvernants à travers le recours à la volonté divine. Ils constituent de Grands Électeurs dans la mesure où, à travers les mots d’ordre lancés à leurs fidèles qui se déterminent beaucoup plus en fonction de ces directives que de leurs convictions politiques, ils peuvent garantir l’élection du candidat qu’ils soutiennent. Un tel pouvoir est considérable dans un régime multipartisan.»

C’est pourquoi Wade a décidé d’investir le milieu religieux, afin d’assurer sa réélection.

Le N’diguuël peut être un mot d’ordre de mobilisation des abstentionnistes obéissants aux consignes de vote donnés par certains guides religieux. Mais, aucune étude ne nous permet de quantifier le nombre d’électeurs godillots.

De toute façon, la majorité des partisans de Wade a intérêt à rester au pouvoir pour ne pas être confrontés à la justice, donc, ils sont prêts à se dévouer pour garder le pouvoir ou à défaut, à rallier le camp adverse.

Wade a déjà indiqué que s’il était élu, il ne resterait au pouvoir que 3 ans,  cela lui suffira à préparer sa succession pour éviter toute poursuite après son mandat d’une part, et  d’autre part, cela suscitera certainement des stratégies de conquête du pouvoir chez d’autres candidats malheureux du premier tour de ces élections présidentielles de 2012.

Les rassemblements qui se profilent actuellement à vocation stratégique et tactique autour de Macky sall sont-ils liés à la volonté manifeste de l’opposition de faire partir Wade ou de se procurer un avenir gouvernemental pour certains ?

Moustapha Niasse 1er premier ministre de Wade est le seul avoir démissionné de ce poste après avoir constaté l’inconsistance de la politique de Wade contrairement aux autres premiers ministres qui se sont vus remerciés par Abdoulaye Wade. La cohérence est un principe pour ce candidat.

Pour Idrissa Seck (qui s’était classé en deuxième position lors de l’élection présidentielle de 2007 derrière le Candidat Abdoulaye Wade vainqueur dès le premier tour de cette élection) l’adage ne sera sûrement pas  pour lui « le roi est mort vive le roi ». En revanche, son frère libéral Macky Sall a de fortes probabilités de s’en prévaloir

Pour Ousmane Tanor Dieng, Wade est celui qui a mis fin à 40 ans de socialisme au Sénégal et aussi celui qui a désintégré le parti socialiste soit en débauchant certains cadres du PS soit en créant les conditions d’accueil des versatiles du PS au sein du PDS pour les aider à sauver leur pré carré.

Pour Les libéraux, ce second tour permettra de confirmer ou d’infirmer un des deux camps libéraux: les uns sortiront par la petite porte et les autres entreront par la grande porte.

Les libéraux Sénégalais sont-ils interchangeables ?

A ce stade, il serait prématuré, sinon divinatoire de prévoir avec précision si les réponses de Macky Sall seront semblables à celles de Wade et à condition que les Sénégalais lui accorde leur suffrage.

Abdourahmane KEITA

Complément de l’ouvrage  Marché politique Sénégalais : un capharnaum

 

 

 

Wade Abdoulaye, « La doctrine économique du mouridisme », Annal.afr.1967, pp.175-206.

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